L’histoire de ce sombre esprit connu sous le nom de Calamitus est horrible et abominable. Constitué à partir des restes massacrés de centaines de champs de bataille, c’est un hideux amalgame d’âmes condamnées, liées et captives dans une coquille de viande morte.
Il est vêtu de la livrée du cimetière, arbore l’iconographie de la mort et manie une paire de faux cruelles, dont les lames sont gravées de sceaux funestes qui suintent de miasmes maléfiques. Mais il a également une autre forme plus grotesque… celle d’un spectre sérieux, enveloppé de vêtements en loques et couronné de fer de tombe. Quelle que soit la manière dont il se présente, c’est une incarnation terrifiante de la mort elle-même.
Le Calamitus fut créé par Losan K’Leth pour être un chasseur d’âmes immortel et un collecteur implacable de réceptacles physiques frais pour son Culte. Le rituel utilisé lors de sa création coûta la vie de centaines des serviteurs les plus fidèles de K’Leth lorsque leurs âmes noires furent utilisées pour stimuler la monstruosité psychologique qu’ils avaient permis de façonner. K’Leth avait découvert la méthode permettant de créer et lier une telle entité au cours de ses études de récits antiques et d’expériences ésotériques cruelles, et il avait hâte de voir si une telle chose pouvait réellement être accomplie.
Des tempêtes firent rage pendant des jours, martelant le cimetière isolé des Terres désolées de Vent-tempête, que le nécromancien avait choisi comme site idéal pour réaliser les rites nécessaires, afin d’attirer les énergies de mort qui imprégnaient la région. Lentement, péniblement, le Calamitus s’amalgama en un cocon de boue de cimetière et de linceuls funéraires sanglants, chaque âme le rendant plus puissant, jusqu’au moment où, enfin, il fut suffisamment fort pour surgir de cet épouvantable ventre et s’agenouiller devant son créateur.
Même si certains des disciples de K’Leth maugréérent face au prix qu’il avait fallu payer, le résultat final valait la peine selon lui.
La détermination qui le poussait et les objectifs qu’il remplissait était ceux de K’Leth. Le Calamitus n’était rien d’autre qu’un outil grotesque du fondateur du Culte. Ce dernier l’envoyait fouiller le territoire à la recherche de réceptacles et lorsqu’il les trouvait, il retirait leurs esprits de leurs corps.
Le Calamitus frappait des campements d’armées, des repères de bandits, des fermes isolées, des fêtes des moissons et même des navires en mer, partout où il pouvait obtenir plusieurs âmes à la fois. Il n’avait aucune subtilité, ne faisait preuve d’aucune prudence. C’était une force élémentaire, dirigée par son maître sur des cibles potentielles et lâchée pour accomplir sa tâche lugubre.
Il consommait ensuite avidement les âmes plaintives qu’il avait choisies, les utilisant pour s’alimenter et laissant des coquilles vides, prêtes à être récupérées par des membres du Culte. Cette situation se poursuivit pendant un temps, mais la création de cette entité par K’Leth n’était pas passée inaperçue. En effet, les ondulations mystiques causées par son invention résonnèrent même jusqu’au lointain Anathraad, où Siroth les remarqua et les observa, distraitement au début, puis avec un intérêt plus vif.
Enfin, il décida d’agir pour arracher le contrôle du Calamitus pour lui-même. La question de savoir si cet acte fut motivé uniquement par l’hostilité ou parce que Siroth pensait que le Calamitus pourrait être utile pour ses propres machinations fait l’objet de conjectures parmi les quelques membres du Culte de K’Leth qui connaissaient la vérité de ce qui s’ensuivit.
Quoi qu’il en soit, Siroth étira son esprit et chercha à usurper le contrôle exercé par K’Leth sur l’entité. K’Leth, reconnaissant la menace, résista, quoique plus par fierté et colère qu’avec un réel espoir de réussir. Et à ce moment-là, lorsque l’attention de chacun de ses deux aspirants maîtres était focalisée sur l’autre… le Calamitus s’échappa.
Les jours qui suivirent furent remplis d’horreurs défiant toute imagination. Le Calamitus, fou et sans but, saccagea tout Peltas sans raison ni motif. Là où il se rendait, la mort suivait. Même les serviteurs du Culte n’étaient pas à l’abri de sa frénésie, et plus d’un sanctuaire secret et dépôt de gemmes d’âmes furent transformés en mausolée lorsque le Calamitus dévora toutes les âmes qui s’y trouvaient, à la fois celles qui avaient des corps et celles qui n’en avaient pas.
Rapidement, le furie du Calamitus attira l’attention d’un Porteur de Lumière connu sous le nom de Gariel; un de ceux qui avaient choisi l’exil dans les endroits sauvages du monde après la Croisade Rouge. Gariel se mit en route pour tuer l’entité avant qu’elle ne puisse faire plus de mal.
Il ne fut pas difficile de la trouver et, bientôt, Gariel, avec ses ailes de fer et sa lance de flammes célestes, fondit sur sa carrière dans les terres sauvages du Désert de Krokhan. Il n’y eut aucun témoin du conflit qui s’ensuivit. Certaines tribus de Nomades parlent d’une nuit riche de tonnerre et de flammes dans les nuages, mais au-delà de ça, personne ne vit la bataille.
Toutefois, à la fin, Gariel n’existait plus et le Calamitus était devenu quelque chose de bien pire. Il s’envola à l’aide de nouvelles ailes, portant les vêtements en haillons noircis de Gariel et poussant un cri affamé qui résonna dans l’âme de chaque être vivant de Peltas, ainsi que dans l’esprit de Siroth. Suivant le cri pour arriver à sa source, il frappa et prit contrôle de la monstruosité en furie, le pliant à sa volonté alors que K’Leth ressentit sa défaite.
Lors de ces premiers moments, Siroth étudia son nouveau serviteur d’un œil curieux, car le Calamitus avait énormément changé, pas uniquement en termes de forme, mais également de faim… il désirait une autre âme identique à celle de Gariel. À tel point qu’il regardait avec gourmandise ses Rejetons Démoniaques qui, quant à eux, n’avaient aucune envie de se rapprocher d’une telle abomination.
Siroth était ravi, car le Calamitus pourrait s’avérer être la réponse à son éternelle impasse avec les serviteurs de Lumaya.
Et sinon, eh bien, il allait s’assurer qu’il soit, au minimum, bien nourri…